Jean-François Lapointe offre une noble stature, la majesté naturelle d’une voix puissante et contrôlée, éclatante dans l’aigu, une diction parfaite, une ligne de chant impeccable qui déroule en se jouant les légères vocalises belcantistes. On croit percevoir de l’humour dans la cavatine vive de son premier air, toute guillerette comme un passage d’Offenbach mais, il sait faire sentir la perversité du cadeau empoisonné du mariage qu’il offre, dans sa fausse générosité, à son sauveur protégé et anobli, dont les titres pompeux qu’il lui octroie royalement rendent l’infamie de cette union à leur échelle.
Le baryton québécois Jean-François Lapointe est le chant fait homme. Son Alphonse XI est un modèle d’élégance, de pureté vocale, de science musicale.
Patrick De Maria, La Marseillaise, 18 octobre 2017
Le roi Alphonse XI de Castille est assuré par l’indispensable baryton canadien Jean-François Lapointe. Il est à la mesure vocale de sa partenaire favorite. Il y greffe la dimension institutionnelle de son personnage : autorité, charisme, puissance. Son maintien vertical, alors que son personnage est également tiraillé entre plaisir et pouvoir, annonce la bonne opération stratégique à laquelle il se livrera en réponse à la menace de l’Église. Le chanteur projette impeccablement une ligne de chant sombre et chaude en couleur, suave et violente en dynamique, limpide et ciselée en diction. Il sait faire émerger le silence absolu : « Non, rien par moi n’est regretté », carapace sonore le tenant finalement à distance de sa belle (« chaste / stérile flamme »).
Jean-François Lapointe, Alphonse XI, est somptueux. Le baryton nous a habitués à des prestations de grande qualité, elle le fut encore vendredi soir. Aisance, puissance, nuances : rien ne manque. Du grand chant !
Jean-François Lapointe, autre assurance de sérieux et de succès dans une distribution (rappelons-nous son majestueux Hamlet ou sa remarquable prise de rôle du Wolfram dans Tannhaüser version de Paris à Monaco, nous offre un personnage d’Alphonse XI d’envergure, en particulier dans un émouvant « Pour toujours, tu m’appartiens » ponctué de très émouvantes intonations. Le baryton québécois nous donne une intelligente leçon de chant par la justesse de ses nuances qui équilibrent subtilement puissance et densité. Un travail rigoureux qui le conduira, dans un mois à Genève, à chanter pour la première fois le rôle de Benvenuto Cellini dans Ascanio de Camille Saint-Saëns.
Dans ce trio où l’amour amène le drame, nous retrouvons la voix profonde de Jean-François Lapointe dans le rôle parfois ambigu du roi Alphonse XI. Un homme amoureux, déçu, en colère, magnanime ou manipulateur. Comme toujours, ce baryton très aimé du public marseillais qui se souvient encore de son interprétation d’Hamlet, nous donne une leçon de chant et de musicalité ; si ce musicien dans l’âme, capable aussi de diriger un opéra, a la voix du rôle, il en a aussi l’autorité et la prestance. Jamais à court de souffle, il respire avec le chef d’orchestre, laissant passer ses émotions au travers de la voix. Dans une diction impeccable, se jouant des difficultés de la langue française, il peut être tendre ou plus guerrier, avec des aigus sûrs et puissants, ainsi dans son affrontement avec Balthazar, le légat du pape. “Jardins de l’Alcazar” “Léonor viens” sont chantés avec souplesse et clarté dans un phrasé de toute beauté. Le sens du phrasé est-il inné ? Sans doute vient-il d’une élégance naturelle. Toujours est-il que l’élégance fait partie des qualités que nous reconnaissons à ce chanteur aux prises de notes toujours délicates.
Laisser un commentaire