Hamlet, Opéra d’Avignon, mai 2015

29 mai 2015 by admin

De la distribution il faut détacher Jean-François Lapointe pour son exceptionnelle interprétation du héros shakespearien. Son physique correspond parfaitement à  ce que l’imaginaire collectif se fait du personnage d’Hamlet et parfois, au détour d’une scène, nous revient l’image de Laurence Olivier qui l’incarna, pour le cinéma, en 1948. Le chanteur québécois est devenu l’un des barytons les plus prisés des scènes internationales (en témoigne son récent Valentin dans le « Faust » de l’Opéra de Paris que nous avons chroniqué, il y a peu, dans nos colonnes). Riche d’un répertoire forgé au cours des années dans l’opéra français, italien ou russe, il brille tout particulièrement dans un râle qui exige une voix à  la fois vaillante, souple et claironnante dans les aigus. L’articulation et la diction de la langue française sont souveraines (inutile, en ce qui le concerne, de recourir au surtitrage pour la compréhension du texte). La fréquentation assidue de Pelléas ou de Danilo le conduit à  maîtriser l’art du phrasé dans les monologues ou les scènes d’introspection. Pour autant, le volume comme la largeur de la voix restent impressionnants, ce qui lui permet par ailleurs de s’illustrer aussi avec bonheur dans les oeuvres du bel canto italien (n’oublions pas ces six Germont à  la file, sans un jour de repos, de « La Traviata » à  Marseille !). L’opérette et la comédie musicale, auxquelles il fut formé dès son plus jeune âge, ont nécessairement contribué à  ses dons de comédien indispensables dans pareil emploi.

Christian Jarniat, MetaMag, 29 mai 2015

On consacrera quelques lignes, en revanche, à la remarquable prestation de Jean-François Lapointe. Son interprétation du rôle-titre est tout bonnement magistrale, avec une ligne magnifique, une diction souveraine, et un engagement dramatique total qui donne tout son sens à la mise en scène, qui nous avait précédemment laissés de marbre. Avec le baryton canadien, on tient assurément là un des meilleurs Hamlet de notre époque!

Catherine Scholler, Opéra Magazine, Mai 2015

Hamlet, admirablement incarné par Jean-François Lapointe, apparaît d’abord dans la salle, tel un spectre. D’entrée, il est hors scène, hors jeu, contemplant le théâtre tantôt à cour, tantôt à jardin : contemplatif, méditatif, il regarde s’agiter le théâtre dans le théâtre du monde —magnifique idée baroque— dont il tirera aussi les ficelles, metteur en scène de la scène du crime, sans entrer dans l’action, auteur mais non acteur d’une pièce par ailleurs fantasmée ou soufflée par le fantôme, véritable deus ex machina. On s’attend à un personnage frêle, faible, prince neurasthénique rongé d’un désir de vengeance longtemps inassouvi, paralysé. Mais c’est un  beau ténébreux doté d’une force animale qui sait la plier en des murmures d’une extrême douceur pour captiver la douce Ophélie et la déchaîner pour la broyer. De sa grande, taille, de sa puissance,  il fait l’image inverse de sa faiblesse réelle, de ses hésitations : comme si toute sa force vitale, se tournait contre lui, le détruisait de l’intérieur, après avoir détruit sa malheureuse fiancée.

Benito Pelegrin, Classique News, 12 mai 2015

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